La traversée

Ça doit faire au moins trois ans que je n’ai pas fait une traversée d’au moins 100 Miles nautiques. C’était avec Ted sur son Shannon 38. Un bateau incomparable mais une randonnée pas si différente. Ted avait un petit peu peur du vent alors il ne sortait en mer que lorsque son routeur lui promettait du 10Nds et moins.

Aujourd’hui nous avons 96 Nautiques à franchir de port en port. J’ai un marin qui n’a pas peur de l’eau à bord et un petit bateau qui est fin prêt pour la traversée. Même Charlie Brown s’en donne à cœur joie à la barre avec un vent léger au petit largue après 4,5 heures de route.

Nous avons quitté Key West un peu plus tôt que prévu pour tenir compte d’un courant contraire environ 1Nd d’après Alain de "TILOUP" qui nous a un peu breefé hier soir devant une sangria sur les quais bien fréquentés de Key West. Puis je veux aussi minimiser le temps à moteur que ma annoncé Louis Ribé notre routeur quand il nous a confirmé que notre fenêtre météo était pour des vents de moins de 10Nds pour la majeur partie du temps.

Nous avons motorisé les deux premières heures pour sortir du port et nous éloigner de la terre puis vers 11h, le vent est monté juste au dessus de 10 Nds est nous berce doucement avec une gîte de moins de 15° au petit largue. Une randonnée en douceur sur l’Atlantique maintenant bleu marine par 1000 pi de profondeur. Comme je les aime jusqu’à date.

À partir de 14h, le vent se fait un peu plus timide et nous mettons le petit Atomic4 en appui à1000 tours/minute. Ceci nous permet de garder une vitesse sur le fond autour de 4 Nds et notre temps de traversée sous les 24 heures.
Un choix mature qui privilégie le confort à bord plutôt que l’arrivée au plus tôt. De toute manière nous avons le temps puisque nous ne voyons par entre de nuit et qu’à la Marina Hemingway, on ne peut ni entrer ni sortir entre 18h et 6h.

Je vais profiter de ce moment de détente pour boulanger et cuire un pain.

Au soleil couchant, nous étions prêts tous les deux, caméras au poing pour vous faire la photo du Rayon vert. Malheureusement, les caméras de nos cellulaires prennent un instant avant de déclencher et le phénomène ne dure que 3/4 de seconde. Alors, même s’il y en avait eu un ce soir, nous l’aurions manqué.

Une heure plus tard, le vent avait diminué assez que nous avons dû enrouler le génois. Nous avons gardé la Grand’voile pour amoindrir le roulis car nous recevons une vague de 0,75 mètres par 3/4 arrière.

Moment rassurant, quand la lueur du soleil sur l’horizon Sud-Ouest s’est finalement tout à fait estompée, nous avons commencé à discerner les leurs de La Havane à 11h, à une cinquantaine de miles encore. C’est Yves qui m’a fait remarquer à quel point ceci est rassurant. On sait, en théorie que ça doit d’être là, mais le voir de ses yeux, c’est autre chose pour les marins d’eau douce.

Nous roulons toujours sur pilote automatique mais toujours vigilants tour ce même car, nous avons du trafic maritime qui nous a croisé au moins aux heures. Le Florida Channel est une voie commerciale moyennement achalandée.

C’est moi qui fait le quart de soirée et Yves va me remplacer à 10h jusqu’à 01h. Nous avons opté pour des quarts de 3 heures en nous laissant le choix de la partie de la nuit où nous sommes le moins inconfortables de rester éveillés. Plus facile ainsi, même pour une seule nuit.

Autre plaisir de nuit en mer, retrouver la Voie lactée qui est plutôt gênée de se montrer, même sur la Rive-Sud. Puis voir scintiller Sirius, un phénomène moins évident à nos latitudes, il me semble. Les Bahamiens l’appelle la "Christmass Star". Puis lors de mon deuxième quart, ce sera un léver de lune que je vous attraperai me disais-je. Mais ça ne s’est pas passé ainsi.

Quand je suis monté sur le pont pour relever mon mousse, mon génois qui plume avait une couture ouverte sur près de 2pi, le pilote automatique ne fonctionnait plus et mon barreur invité se dirigeait à peu près par là, en se guidant sur les lumières de la ville parce qu’il avait accidentellement débranché la tablette lectrice de cartes et qu’elle s’était vidé de tout son pouvoir.

Il était temps qu’il aille se coucher.
Je lui ai redonné la barre 5 heure plus tard quand le soleil s’est pointé à l’horizon pour aller relaxer un peu.

Nous sommes rentrés à la Marina Hemingway à 10h, après 25 heures de route, un peu fatigué, mais fiers de l’avoir fait. Demain je poserai un patch sur mon génois et je remplacerai la courroie du pilote. Pour le moment l’urgence c’est une bonne douche.