La maisonnette à l’entrée de la crique qui mène à Kingston est charmante et à l’air très accueillante. Ce qui l’est encore plus, toutefois c’est cette entrée bordée de brises-lames de chaque côté et balisée au 100 mètres. On se croirait déjà sur la Côté Atlantique, à Atlantic City ou Cape May avec leurs entrées bien protégées des grandes vagues et des rouleaux mortels.
C’est que Kingston était au sciècle précédent, le développement des chemins de fer, le point d’entrée d’un Canal qui menait au Delaware.
Pour moi, Kingston, c’est par contre une belle histoire humaine. Peut-être m’y suis-je arrêté justement pour le plaisir de vous la raconter.
Quand les filles étaient petites, nous les amenions, M-Th et moi sur la Cote Est pendant les grandes vacances. Virginia Beach, plus précisément ou nous campions avec notre roulotte que nous tirions derrière la Pontiac Le Man. Moi j’étais le nomade (la roulotte) et M-Th la fille de char (la Le Man 400 po cu).
Cette année-là, avec Marise, Louis-Andrée et Renée, notre nièce favorite, on s’était particulièrement amusés. À pêcher le crabe entre autre une expérience mémorable pour toute la famille, incluant M-Th qui avait dû accepter de faire bouillir la douzaine de ces petites bibites que nous avions réussi à attraper malgré notre haut niveau d’incompétence.
C’est en rentrant à la maison, que nous avons découvert Kingston. Nous remontions la I 87 depuis une bonne partie de la nuit quand au début de l’avant-midi, Marise a commencé à avoir de grandes difficultés respiratoires. C’était la première fois que cela lui arrivait et c’était inquiétant à voir mais à entendre surtout. Un papa a beau respecter les limites de vitesse, surtout avec, une roulotte en traction, mais à un moment donné je me suis rendu compte que la pression d’arriver à la prochaine ville et à son hôpital m’avait fait accélérer un peu, beaucoup.
A 80 miles à l’heure j’ai entendu un coup de feu et il m’est venu une forte odeur de caoutchouc brûlé. Je venais de crever le pneu de droite sur la roulotte. Surtout, ne pas freiner! Laisser décélérer et tenter de garder le tout en ligne. Ce qui n’a pas être difficile finalement grâce à un nouveau gadget qu’on m’avait vendu à l’installation de la tire: une barre anti-roulis. Merveilleuse!
Mais ce n’est pas tout. Je déconnecte la roulotte que je laisse sur le bord de la chaussée avec une note explicative, puis nous filons vers le centre ville ou nous avons trouvé en nous informant, un bureau de médecin plutôt qu’un hôpital. Celui-ci a rapidement diagnostiqué une crise d’asthme, effectué une injection et prescrit un médicament qu’il avait justement sous la main. En peu temps, la petite respirait mieux.
Son père quant à lui, retenait son souffle. Ces pneus de roulotte étaient de facture particulière et pas disponibles dans tous les centres de pneux. Et même si j’allais en trouver, je venais de donner mes derniers sous au médecin pour le traitement de ma petite Marise. Circa 1973, avant les cartes de crédit.
Finalement c’est au deuxième vendeur de pneus que je trouve par miracle ceux qu’il me faut. Je crois que le gars est bien content de se débarrasser de ces deux vieux pneus rares qui sont empoussiéré sur une tablette à l’arrière.
Avant qu’il ne les installe sur les jantes, je lui avoue mon tourment: je n’ai pas quoi le payer. Puis, je risque : "Puis-je vous faire un chèque?"
"Pas de problème, mon ami! Vous faites ça au nom qui est écrit ici sur la facture: 133$ taxes incluses." Je n’en crois pas mes oreilles! "Vous ne craignez pas qu’il vous revienne sans provisions?"
"Mon gars, avec la tête que t’as et dans le trouble ou tu te trouves, je ne vois pas comment tu pourrais me faire ça, à moi qui s’est ton sauveur, ce matin." "Allez, bonne route, ne t’inquiète pas pour moi; moi je te fais confiance, je ne m’inquiète pas pour toi."
C’est une expérience qui a marqué ma vie!
Il y 40 ans de ça… comme si c’était hier.