Comme prévu, nous quittons la Marina de St-Laurent vers 6h30 avec un vent du Nord-Est plus assagi lui aussi, ce matin. Vent de dos avec un 10-15 Nds, c’est ce que nous pouvions avoir de mieux à nous offrir pour remonter le Fleuve de Québec à Portneuf, espérons-nous. Le temps est toujours couvert mais on peut voir le soleil faire briller les installations de la Davie sur la rive sud juste avant Lévis. Avec le courant de marée, nous atteignons rapidemant les 7 knds, ce qui nous porte vers le Port de Québec, notre premier contact avec la ville en venant de l’Est.
Jean-Guy est frappé par le carractère industriel des installations si près du Château Frontenac. Vu d’ici. en effet, c’est une image qui ne correspond pas à celle plus idylique que nous nous faisons quand nous pensons à notre Vieille capitale. Mais c’est ça appréhender une ville connue, à partir de l’eau. À cause du point de vue fort différent, ça nous fait redécouvrir, même une ville que nous croyons très bien connaître sous un nouvel angle. Même chose pour l’entrès du Vieux port, puis les installations de la Garde côtière qui passent inaperçues quand nous sommes dans les rues de Québec.
Le vent va nous lâcher à peu près à cette hauteur mais nous poursuivons à moteur sur une belle marée portante et un soleil radieux qui nous réchauffe le corps et le coeur. Les deux marins emmitoufflés de 6h du matin se retrouvent en manches courtes au bras et aux jambes vers le milieu de l’avant-midi. Vers midi et demi, nous appelons la Marina de Portneuf pour réserver une place pour la nuit. J’espère y saluer en passant Jean et Daniel du Voilier SUBTIL qui y ont leur port d’attache et mon Mousse à décidé d’amener son Capitaine dîner dans le » grand monde » en ce beau samedi soir.
Je vois que SUBTIL est toujours là et j’en trouve rapidement l’explication quand je vois Jean en tête de mat en train de découvrir ce qui s’est passé hier quand au premier essai en mer avec enfin la pièce de moteur installée qui les retenait de débuter leur saison, le génois s’est soudainement affalé en route. Il trouve la pièce qui s’est dévissée progressivement dans la têtière de l’enrouleur et réassemble le tout avant de venir tous les deux nous offrir les petites bouchées préparées par Danièle à l’heure de l’apéro. Une belle tradition de fin d’après-midi où on fait le point sur nos dernières aventures mutuelles et nos prochains projets.
Entre le passé et le futur, ils nous racontent tous les deux, ce qu’à été leur ré-entrée l’automne dernier au retour d’une année sabatique de descente aux Bahamas avec SUBTIL. Danièle à réorienté sa pratique professionnelle et en est toute fière et heureuse pendant que Jean nous raconte les défis qu’il a rencontré avec un des groupes de Secondaire IV les plus difficiles qu’il n’avait connu dans sa carrière d’éducateur. Ce que j’aime de ce gars là, c’est qu’il nous raconte tout cela en mode défi à relever et non pas en mode critique de la société comme le font souvent les moins motivés.
Après les bonnes moules à volonté du Resto de la Marina; le resto chic du village et un bon dodo bien confortable nous sommes prêts pour affronter la remonté du Rapide Richelieu, demain matin vers 10h30, une heure et demie après la marée basse à Portneuf. Notre voisin de quai un habitué du Rapide qui se dirige vers Nicolet, suggère de partir un peu plutôt que la norme et profiter plus longtemps du montant même si nous devons affronter un léger courant descendant dans la première heure. Sa suggestion s’avère opportune en effet puisque nous abordons la remontée avec un Nord-Est de 15 knds environ qui nous pousse rapidement à 6 knds sur le fond en partant. Si ça tient comme cela, nous serons à Trois-Rivières pour coucher.
Je suis bien content de faire de la voile enfin car je dois avouer que les vents sont bizarement irriguliers cette année. Ou bien il sont trop violents ou bien pas du tout. Ça fait 16 jours que je suis parti et je compte sur les doigts de la main les petits bouts de voile que nous avons fait ici et là. Nous n’avons pas eu une journée complète à la voile. Je me régale d’une denrée rare, aujourd’hui: un grand largue (l’allure favorite de Jean-Guy) qui nous porte vaillamment. Même avec un petit Génois à 100% et un ris dans la Grand’voile, nous réussissons à suivre le paquet qui a quitté la marina en même temps que nous ce matin.
Vers midi, le vent diminue légèrement; ce qui est contraire à la logique météo habituelle où le vent monte entre 10h00 et 14h00. Nous relachons le ris de la G’Voile pour maintenir 4-5 knds sur le fond grâce à la suggestion du Monsieur de Nicolet qui va nous permettre de nous rendre au milieu de l’après-midi dans un courant à peu près nul. Jusqu’à l’embouchure de la Rivière Batiscan où le vent tombe d’un coup sec, sans prévenir. Ça va nous donner l’occasion de découvrir ce joli ancrage forain en face de la petite Marina de Batiscan sur la rive opposée. Ça avait été une suggestion de Philippe sur PETIT PRINCE, un Tanzer 7,5 de Sorel, qui était venu nous jaser hier après-midi, intrigué par mon annexe (Un petit kayak jaune). Il voulait connaître mon expérience de cette option.
Quand je lui ai dit qu’elle m’avait ramené de la Floride derrière BRIGADOON, il a été de nouveau intrigué, mais pour d’autres raisons. Lui qui a fait le voyage avec un « Fift Wheel » la dernière fois qu’il a été en Floride, à équarquillé les yeux à la perspective d’y rertourner en tirant un petit kayak jaune. Les rêves des fous de la voile sont fait de ce genre de rencontres fortuites. On a pris l’apéro à l’épaule dans au mouillage à échanger rêves pour le future et cauchemards récents. Pour donner raison aux vieux marin de Québec qui s’informait de mes déboires sur les quais à Cap à l’Aigle et qui nous a offert son clin d’oeil en passant : « Qui prend la mer pour le plaisir éprouverait de grandes jouissances en enfer. »
Petit lundi matin blème à Batiscan, il est 9h00, mon mousse a choisi de retourner roupiller pendant que je vous raconte tout ça. Lui qui sort du lit à 7h00 tous les matins s’est laissé reglisser au pays des rêves en attendant que je commence mon branlebas de départ. Mis je ne suis pas pressé moi non plus car la destination aujourd’hui c’est Trois-Rivières à environ 30 Miles nautiques d’ici et le vent ne va lever que vers la fin de l’avant-midi. Je vais respecter son besoin de se refaire; il m’a bien accompagné à date et sera là aussi longtemps que j’aurai besoin de lui. C’est ça, Jean-Guy: un grand coeur et une disponibilité fiable sous une peau d’ours pas trop mal lèché.