Est-ce que le Capitaine Philippe s’est assagi?

C’est la question qui trotte dans la tête de mon ami Jean-Guy en attendant la marée basse de 17h00 qui nous permettra de reprendre la route vers l’Ouest. Pourquoi la question? Parce qu’il se rappelle de ma témérité de la fin des années 80 quand nous faisions de la voile ensemble dans les Bahamas puis les Iles Vierges. À l’époque où rien ne m’arrêtait et où je m’amusais à frôler les récifs et les têtes de corail. C’était l’âge de l’inconscience; j’avais 40 ans. Cet après-midi, il se pose la question sans savoir que j’en fais de même en écoutant le vent siffler dans les mats à la Marina de St-Laurent où nous nous sommes arrêtés hier soir, et les drapeaux battre au vent dans les raffales.

En sortant de la marina, on tourne à droite et le vent dans le dos c’est beaucoup plus facile à prendre, un Nordet. Non? Mais ça siffle sur le écoutes et ça brasse les drapeaux. On a certainement les 25 Knds promis par Environnement Canada ce matin mais j’espère que ça peut baisser en fin d’après-midi. J’étais plus porté à la bravade avec un bateau que je maîtrisais bien depuis quelques années, mais je dois avouer que cet après-midi, moi aussi je me demande si je me suis assez assagi avec ma nouvelle SURPRISE. 

IMG_0415Vers 13h00 nous voyons passer un téméraire avec un voilier de 35 pieds. Enfin, il n’en finit pas de passer car avec le vent arrière et le courrant devant, le voilier semble plutôt immobile. Il fait un petit bond en avant sur le dos de chaque vague qui le pousse et disparait derrière celle qui nous sépare de lui. Quand nous sommes parti faire l’épicerie, nous le voyons venir le long de l’ile, en face de St-Jean. À notre retour, il est rendu en face d’ici et il fait du sur place. Une autre façon d’attendre la renverse. Soit qu’il a autour de 40 ans ou qu’il n’a pas un Jean-Guy à bord pour lui dire: « Regarder le vent dans les arbres là-bas Je vais pendre la deuxième nuitée de marina à mon compte, Capitaine. »
IMG_20130726_181207Pour les voir bouger, cliquez sur le lien: https://picasaweb.google.com/115483347837819032733/Saguenay?authkey=Gv1sRgCM_1nvjR-bzsVw#5905078654695496226

À 15h00, le bulletin météo nous annonce des raffales à 40 knds, nous sommes de retour au niveau « Coup de vent fort », en anglais « Gale force winds ». Je peut confirmer à Jean-Guy, à Renée et à tous les autres qui me suivent de près que : « Oui, je me suis assagi! » « Gale force wind » est une expression qui me parle avec autorité. La première fois, c’était dans la Baie Chessapeake il y a deux ans en descendant BRIGADOON. Puis si vous vous souvenez, il y a deux jours à l’Ile aux Coudres, nous avons tout de même rebroussé chemin. En fait, c’est comme si ce gros paquet de vent qui est monté du Sud-Ouest il y a deux jours est allé faire une virée à Tadoussac puis nous revient avec la même violence du Nors-Est aujourd’hui.
IMG_0412De toute façon, à la Marina de St-Laurent, même le canard est en mode protection sous le tableau arrière du petit motorisé au quai en face. Et il fait des grands signes de la tête comme pour nous dire : « Ne partez pas! » Il n’en faut pas plus pour me convaincre tout à fait. Sérieusement, je me suis tout de même assagi, canard ou pas. Je n’ai plus besoin de me prouver que je sais faire et je n’ai plus l’énergie d’en faire plus qu’il n’en faut pour être heureux. La voile est un sport modulable selon nos besoins. Je connais même des propriétaires de bateaux qui sont heureux de regarder leur bateau à quai ou au mouillage. Je n’en suis pas encore là, mais je suis maintenant de la bande des moins de 30 Knds de vent au portant et encore un peu moins au près.
Demain matin, nous partirons vers 6h00, avec la marée montante du matin. Plus logique de partir à 6h du matin qu’à 6h du soir de toute façon. Ce Fort coup de vent se sera calmé et nous pourrons profiter du coup d’oeil en passant et faire de bonnes photos du Cap Diamant vu du large. Ce qui va, aussi nous remettre sur le cycle de jour. Le vent sera probablement nul ou à peu près au départ puis nous ferons avec ce qui viendra par la suite.
Buenna note tutti, ce soir on couche encore ici. Assagi, Jean-Guy.

Le Chenal du nord de l’Ile aux Coudres

Deuxième essai
La marée est basse à 12h30 à l’Ile aux Coudres. À 13h30 je suis prêt à partir pour descendre le Chenal du Nord une heure après. C’est un peu serré avec le léger vent du Nord-Est mais tout ce que nous pourrons prendre nous avancera vers notre destination. Surtout que tout à l’heure, les vents annoncés seront de face autour de 25 Knds pour les premières heures avant de tourner à l’Ouest et nous souffler par le travers, en baissant un peu.

IMG_0378En arrivant à l’extrémité sud de l’Ile, le vent passe effectivement au Sud et monte significativement comme prévu. Un ris dans la Grand’Voile puis enroulage partiel du génois suffisent à rendre mon barreur confortable. Le temps de sortir deux thés glacés de m’assoir et de prendre une première gorgée et la gite à déjà pris de l’ampleur. « On prends un deuxième ris, Jean-Guy? » « Oui mon Philippe! » Au sujet des ris, pour les non-initiés, la réponse est toujours dans la question.

Une autre demie-heure de bataille avec le vent et nous n’avons pas franchi trois miles en tout et partout avec nos retour pour prises de ris. Et il faudrait en prendre un troisième qui n’est pas là dans une voile de cette gtandeur. « On retourne au mouillage matelot? » « Oui mon Philippe! » Ce que j’aime de J-G c’est que ce n’est pas un gars obstineux. Ça adonne bien avec ma nouvelle résolution.

Nous faisons demi-tour sur le champ et retournons en moins de 15 minutes au mouillage. J’affale pendant que J-G mets le Honda en marche pour son deuxième test. Nous remontons à 3-4 Knds face à 25 Knds de vent avec maintenant des raffales qui semblent plus fortes encore. Nous changeons de rôles et mon matelot prend sa position sur l’étrave, gaffe en main pour attrapper le mouillage. Je l’y améne délicatement et au deuxième essai, il réussit à passer l’amarre dans l’anse du cablot attaché à la grosse bouée blanche.

Je le rejoins pour l’aider à finaliser l’amarrage et nous revenons tous les deux finir notre thé qui s’est renversé dans la cockpit. Au moment d’éteindre les instruments j’entends la Garde côtière de Québec qui annonce un avertissement météo sur le Canal 16. Passons au 83 pour les détails. Ils nous annoncent maintenant un Fort coup de vent dans la Chenal vers Québec avec des raffales à 40 Knds. Nous les croyons sur parole, nous en revenons justement. Il y aura une autre marrée montante à attrapper cette nuit vers 2h00 avec des vents légers et variables.

Troisième essai
Nous sommes maintenant rendu à jeudi après-midi parce que le vent n’est pas descendu comme prévu le nuit passée. On s’est donc offert deux marées au mouillage en compagnie d’un Bénéteau 43 à l’ancre derrière nous, qui lui, descend vers Tadoussac. En fait, nous avons plus de descendants que de remontants cette semaine puisque c’est le début des vacances. En matinée nous le regardons travailler pendant un bon moment pour déloger une chaîne d’ancre qui a dû s’enrouler autour d’un cailloux à la renverse car il n’arrivera à la remonter qu’après avoir essayé dans tous les sens. Petit divertissement matinal pour les observateurs; grosse corvée pour le couple de retraités sur le Bénéteau 43, un voilier très populaire ces années-ci, même chez nos voisins américains qui sont nombreux dans le Golfe cette année encore.

À 12h30, l’heure de la marée haute mon matelot commence à trépigner et propose d’y aller (même si nous ne sommes pas encore à l’heure de la renverse). Je lui fait remarquer que nous avons encore du courrant remontant pour au moins une heure… Puisque nous partons à moteur de toute façon pour la première demie de la journée, « Avançons nous, même à vitesse réduite puisque nous avons un bon petit moteur, propose-t-il avec son grand sourire irrésistible. » C’est à mon tour de ne pas m’obstiner pour si peu. Nous partons à notre vitesse de croisière, 5 Knds le moteur tourne rondemant et le paysage défile doucement, doucement.

IMG_0384Après une heure, nous réussissons à franchir le Phare du bout de l’Ile à 1,5 Knds puis petit à petit, nous prenons de la vitesse en franchissant la barre typique de l’étal avec son chargement de broue blanche et de petit morceaux de bois flottant en tout genre.
Pendant ce temps, en sens inverse, les transatlantiques font fi de vents et marées et descendent le Fleuve à une vitesse qui fait mousser la vague d’étrave.

IMG_0401Quelques heures plus tard, nous atteindrons la vitesse vertigineuse de 10,3 Knds toujours à moteur puis que le vent du Nord-est annoncé pour la fin de l’aprés-midi tarde à se pointer. Au total, nous franchirons la cinquantaine de miles qui nous conduit à la Marina de St-Laurent avec la moitié du chemin au dessus de 8 Knds. Sans oubler de saluer au passage la Bouée verte K 95 à qui j’avais donné un petit bec en descendant l’an passé à pareille date.

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La jeune préposée au quayage nous accueille tout juste de quitter à 21h00. Nous sommes finalement arrivé à bon port après une randonnée de 8 heures au moteur Hors-bord qui continue à « faire la job » pour reprendre l’expression de mon ami Jean-Guy. 

IMG_0403Le clocher de l’Église de St-Jean de l’Ile d’Orléans veille sur nous au passage avec sa pointe qui attrappe les derniers rayons du soleil couchant. Avant d’aller au dodo, je relis le commentaire de mon ami Pogo Bob qui nous a battu l’an passé dans la célèbre Régate Internationale de Vero Beach (en piscine) et je commence à me laisser tenter. Après tout, il a fait la « Grande Boucle » l’an passé avec son hors-bord et il tourne encore…