La VIGIE, comme dans vigilance

Je veux dédier particulièrement cette chronique de cape May à Beach Heaven, à Tintin le Marin qui prend des notes pour sa descente l’an prochain. C’est une partie de la route qu’il vaut mieux faire à l’extérieur car les ponts au sud d’Atlantic City ne sont pas commode et certains demandent qu’on les appelle 4 heures d’avance. Pas commode si vous découvrez leur numéro en arrivant à vue du pont. C’est pourquoi J’ai choisi de faire ce trajet de 35 Nm par l’extérieur en descendant et que je vais faire de même aujourd’hui. Surtout que le pronostic météo m’offre un vent léger du Sud au départ devant forcir jusqu’à 15-20 Nds en virant au Sud-Ouest en après-midi. Idéal!
Contrairement aux amis de SUBTIL qui ont décidé de prendre une pause à Cape May et au gars que j’avais rencontré à Annapolis qui craint la pluie, je décide de m’offrir le passage qui somme toute sera des plus facile dans ces conditions. Voile-moteur d’abord avec ce que j’ai de plus grand et un léger appoint du Honda pendant que Charlie Brown s’occupe de tenir le Cap. Dans ces conditions, il est meilleur que moi. Très concentré et très stable. Je n’ai qu’un léger mais important soutien à lui apporter : mes yeux car, il barre aveuglément, fixé sur le Cap que je lui assigne et les légères corrections que j’apporte au besoin.

Tout ce que j’ai à montrer d’une journée en mer… peut-être mieux ainsi.

Tout va bien pour la majeure partie de l’avant-midi et j’occupe mon temps en lisant « Elles ont fait l’amérique. », une ré-écriture de Marie Christine Lévesque, des histoires que nous racontait son chum Serge Bouchard il y a presque 10 ans maintenant, sur les ondes de Radio-Can au cours de l’émission : De remarquables oubliés. Je me rappelle le plaisir que j’avais quand je vivais seul à Magog, de l’entendre nous raconter l’histoire des gens « ordinaires » qui ont vécu des aventures extraordinaires au début de la colonie. En passant, je vous le recommande fortement pas juste parce que c’est une autre création graphique de Loulou pour LUX éditeur, mais pour le plaisir de lire les histoires de ces femmes qui ont contribué plus que des bébés à la colonie.
Mon seul rôle significatif aujourd’hui, ajuster les voiles occasionnellement mais surtout ne pas me laisser absorber dans ma lecture au point de manquer à mon important rôle de VIGIE. « Pourquoi je ne descend pas par l’extérieur, me demandent les amis moins initiés à la voile ». Parce que je dois assurer la vigie, ce que je ne peux pas faire 24h sur 24h , 7j sur 7j. Les avis sont partagés sur cette question. certains comme moi pense que c’est essentiel d’avoir les yeux tout le tour de la tête en tout temps, en mer. D’autres plus expérimentés ou plus « vieux loups de mer » nous disent qu’un tour d’horizon aux heures suffit à assurer leur sécurité. Mon expérience personnelle, sur le Fleuve près du port de Montréal, c’est qu’un cargo, ça arrive vite. Celle de l’autre qui a traversé l’Atlantique en solitaire c’est qu’il faut aussi dormir. Nous avons probalement tous plus ou moins raison, enfin, ceux qui sont encore vivants et qui n’ont pas été frappés par un transatlantique.
Ainsi, aujourd’hui, après quelques heures de route fin seul sur mon coin de l’Atlantique, je distingue finalement entre les haubans de tribord, 3 ou 4 bateaux de pêche commerciale qui trainent leurs filets sur un haut fond. Je me dégage de 10° sur babord pour éviter que nos routes ne se croisent de trop près et je me replonge dans ma lecture. Au prochain tour d’horizon, j’arrive presque à leur hauteur et je les vois par le travers à un peu moins d’un mile. Mais entre le premier et le deuxième, j’apperçois un plus petit bateau de pêcheurs qui reviennent de la tournée de leurs casiers sur le même haut fond, et lui, il ne navigue pas en parallèle mais vient perpendiculairement, droit sur moi. Rapidement.
Va-t-il passer devant ou derrière moi? Je l’alligne sur un chandelier et il reste toujours en ligne. nous sommes sur une course collision et elle s’en vient à 25 miles à l’heure et directement sur moi. Je ne fais ni un ni deux, je désengage Charlie Brown et je pousse la barre franchement pour faire un virage de 180° car, j’ai l’impression que c’est par là, la sortie. Et avec raison et je l’ai échappé belle grâce à ma vigi-lence. Il est passé si près qu’un des deux gars qui étaient occupés à dépecer leurs prises dans le long espace arrière pendant que leur Charly Brown aveugle ramenait le bateau à toute vitesse à la maison vers Townsend Inlet, m’a aperçu du coin de l’oeil et a relevé la tête. Il avait l’air surpris/choqué que je sois si proche. Pas autant que moi mon gars!
La morale de cette histoire c’est que selon les circonstances et selon les opportunités de traffic anticipé, routes commerciales, territoire de pêche, approche d’un port ou d’une entrée, la vigilence doit certainement être modulée et ajustée en conséquence. Par exemple, le prochaine bateau que j’ai croisé, je l’ai aperçu vis à vis de l’entrée d’Atlantic City. Entrée que je n’ai finalement pas prise parce qu’il était encore tôt et que de me rendre à Little Egg Inlet une heure plus loin me permettait d’éviter le cheminement particulièrement tortueux que prends l’ICW juste au Nord de Casino-ville. Puis de m’arrêter au quai municipal de Beach Heaven où j’avais passé la nuit en descendant l’an passé. J’en ai profité pour aller manger une pointe de Pizza avec les mexicains à la pizzeeria irlandaise opérée par un couple de mexicain, justement.
Je sais, Grace, que tout ce mélange de nationalité t’inquiète pour la saveur de la pizza, mais je te jure qu’elle n’est pas mauvaise du tout cette pizza au fromage et champignon pâte mince. Puis la conversation avec des mexicains poseurs de pierre (ça fait un peu italien ça aussi, non?) a été des plus intéressante. Ils étaient fascinés par le fait que je voyageais seul en voilier. Leur jeune contremaître qui assurait la traduction m’avait invité à me joindre à leur table qu’ils venait d’occuper. Ces gars-là habitent à Philadelphie, à 5 heures de route d’ici. C’est parce qu’ils sont particulièrement bons artisans me dit-il qu’ils ont du travail partout autour.
Puis, on parle de famille. Combien j’ai d’enfants? Le plus vieux à aussi deux filles, l’autre ne sait pas combien nous avoue-t-il en s’esclaffant et mon jeune hôte, lui, à un gars et trois filles qui lui sautent au cou quand il rentre à la maison. À la fin, quand on parle de la place grandissante que prennent les latinos au USA (un phénomène que je trouve particulièrement enrichissant pour les WASPs du point de vue hunain), il me confie qu’il s’est laissé dire qu’après le noir, Obama, son fils pourrait en son temps devenir le premier président latino.
Nous nous sommes quittés avec une accolade, sur cette note d’espoir.

PS Lendemain matin. il pleut tranquillement et le vent n’y est pas. Bonne journée pour refaire les provisions ici au village et faire une peu de gestion internet chez Buckalews où la connection est bonne et le chauffage efficace.

 

5 réflexions sur “La VIGIE, comme dans vigilance

  1. Toujours aussi agréable et amusant de te lire quelques fois par semaine.
    Pour la pizza je peux t’accoter. Une pizza napolitaine, dans un resto tenu par un couple franco-vietnamien au Guatemala avec une gang de Honduriens illégaux en route pour les USA.
    Pour le bateaux de pêche imprévu, un peu de déception. Le Capitaine Bonhomme de mon enfance leur aurait fait une colère… mauve, la pire.
    Salutations

  2. Thanks for the invitation Lucy.
    As for the safe trip, yes it is but It almst turn bad yesterday when a small fishing boat came at directly at me on automatic pilot while the guys where in the back working on their catch.
    That is why it is the subject of today’s chronicle.

  3. caro filippo, e sempre un piacere di leggerti. En référence à la pizza, je ne suis pas une individualiste ni une independentiste, je partage tous les goûts et toutes les saveurs. la preuve est que j’ai marié un FRANCAIS, et ça veut tout dire……Je me délecte à chaque fois de tes propos , un language que je ne connaissais pas et ça enrichie ma culture marine.
    Continue de vaguer mon marin, et sois prudent.
    Grace et Jean

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