On lui avait promis la mer et nous en avons tous profité. Sortir au large par la Rivière à Jacksonville par vent du Sud-Est, c’est du sport mais quand le vent ne dépasse pas 10 Nds, c’est idéal pour tirer des bords autour des barges qui entrent, tirées par leur petits remorqueurs. Attention de ne pas tirer le bord entre les deux par contre. Tout va bien dans le meilleur des mondes. Anne-Marie est à la barre, je passe et borde le génois et Loulou est heureuse. Elle prend des photos du bonheur qu’elle se procure en faisant vivre son expérience de la mer à sa copine. Une demie-heure plus tard, nous avons franchi la dernière bouée de chenal. Hourra! nous y sommes. Virage à gauche vers le Nord vrai, il est 15h, le vent est portant et nous avons des « inlets » à plus ou moins tous les 30 Miles. On y va autant que la petite aimera ça. Si elle devient malà l’aise, on entrera par la porte la plus proche.
Mais voilà qu’un 10Nds idéal au près va progesssivement devenir un vent nettement insuffisant au portant. Avec un vent apparent qui tombe à près de 5 Nds, la vague de 1m50 nous brasse assez pour que la barreuse en ait plein les mains et que la photographe, plein l’objectif de faire vivre la mer à sa chum. Les belles joues rosées par le vent pâlissent progressivement accompagnées du baillement caractéristique précurseur du « mal qu’avait parfois sa mère ». « Si tu prenais la barre, Loulou?! » Un capitaine-papa essaye ses vieilles tactiques.¨Ça marche assez pour stabiliser l’état de la barreuse mais pas assez pour donner le goût de continuer. Ma fille va aller s’étendre un peu pendant que je prends la barre à mon tour et qu’Anne-Marie prend des photos des éclairs du système orageux, là-bas à terre.
Quatre heures plus tard, nous sommes à la bouée d’entrée de St-Marys’ Inlet grâce à l’appui du moteur. Il nous reste maintenant à faire face à la musique, et enseigner à A-M à entrer de noirceur dans le chenal balisé et se fiant aux feux d’alignement là-bas, tout au fond, comme dans le bon vieux temps. Quand nous rejoignons le système orageux à mi-chemin du bord et que la pluis tombe suffisamment pour masquer les feux d’alignement, je redeviens très moderne et lui montre que le petit triangle blanc sur l’écran en couleur du GPS est bien sur la ligne rose, entre les deux petits points, vert à gauche et rouge à droite. Ça la rassure assez pour lui donner le courage d’aller affaler la Gr’voile qu’on avait gardée pour assurer l’équilibre du bateau dans la vague mais qui est devenue inutile vent debout.
Nous optons pour le virage à droite rendus à l’intérieur puisque nous poursuivrons vers le nord demain matin. Quand nous jetons finalement l’ancre près de l’Ile Drum Point dans le Cumberland Sound, juste avant la Base navale, il est 10h30 et les deux « saylors » sont fiers de leur sortie en mer. Ma fille a eu le temps de reprendre son coeur après avoir vécu tout ça avec nous dans un demi-sommeil. La voilà donc tout regaillardie par le calme de l’ancrage, l’orage passée et le vent tombé qu’elle se met à la tâche de la collation de fin de soirée (substitue du dîner… le Reistling restera au froid) avec un tel enthousiasme qu’elle en casse l’assiette dans la quelle elle se bât avec son navet difficile à trancher. « Loulou, c’est Loulou! », aurait simplement souligné sa mère.