On y est presque,,,

Je ne sais pas comment décoder mes sentiments à ce stade-ci. Je suis à quelques jurs de l’arrivée. Content d’arriver au terme d’un périple de plus de 5o jours. J’ai fêté mon cinquantième hier. Puis je vois la fin du plaisir arriver. Mais en même temps, je vois pointer le petit nez de ma blonde qui est là depuis quelques jours déjà et ça me stimule à parcourir les derniers miles.

Je dois avouer que le dernier stretch est plutôt direct et vent devant pour l’instant. Alors, c’est au mopteur avec P.A. Qui prend la relève et une randonnée plutôt prévisible. Le seul plaisir de la découverte c’est de constater comment les villes qui se suivent au nord de la Floride sont d’un caractère bien différent. J’ai pris des photos pour illustrer mon propos. Vous les retrouverez maintenant sur le diaporama du début.

Je n’ai pas photograĥié Jacksonville parce qu’on y est pas remonté. Il s’agissait de 8 Miles inutilement dans la mauvaise direction, et pour l’aéréoport et pour la continuation du lendemain. Mais pour y avoir passé à quelques reprises, je peux dire que c’est une ville tout à fait typique de toutes les villes modernes du monde avec ses gratte-ciels non différenciés.

Par contre, Ste-Augustine, la prochaine agglomération au sud est tout à fait atypique d’une ville américaine moderne. Vous remarquerez sur la photo que parmi les plus hauts édifices, figurent encore les clochers. Une petite ville mexicaine moyenne si on veut trouver à comparer. Elle se targue d’être le plus vieil endroit où on s’est installé en permanence en Amérique.

Vient ensuite Daytona Beach où je me suis arrêté pour la nuit qui déjà ressemble aux villes de villégiature floridiennes avec la série d’édifices à condos de 20 étages sur le bord de la mer. Trois escales, trois villes floridiennes, trois looks absolument différents. Quelque chose que l’on peut se permettre d’apprécier quand on aborde une ville à la voile, puisqu’on a pas à se soucier du nom des rues ou des échangeurs pour éviter le trafic. On peut tout simplement se laisser imprégner tranquillement d’une impression qui se forme au fur et à mesure qu’on appréhende le tout petit à petit, à 10 km heure. Comme si on y arrivait en marchant… ou presque.

Finalement je suis rendu à Titusville, à la hauteur du Cap Canaveral. De plus ne plus prés de la maison. D’ailleurs, je me rends compte que depuis que Manon est partie, je n’ai qu’une idée en tête, rentrer à la maison et retrouver ma blonde. Je roule à moteur depuis deux jours le vent dans le nez.

C’est vraiment le dernier stretch.

La voile ça s’attrappe.

Ma partenaire est partie ce matin. Manon est partie s’acheter un voilier de 24 ou 25 pieds. La semaine qu’elle a passée à bord l’a convaincue: elle veut en faire encore et encore. Nous avons eu un bon mix de voile et moteur pendant cette semaine. Puis une bonne douzaine d’aventures à raconter et se remémorer avec plaisir. À

Pour moi, c’est le plus bel hommage qu’elle ne pouvait pas faire de m’annoncer qu’elle était mordue à ce point. On a regardé ensemble sur Kijjiji et elle a trouvé deux options très intéressantes. Un Mirage 24 à Mont-Laurier et un Catalina 25 à Senneville. Si l’autre Manon qui était prête à en acheter un après seulement une nuit à bord à Albany est toujours sur son high, les deux Manon pourraient faire une bonne affaire en achetant ensemble le Catalina qui est beaucoup plus spacieux que le Mirage.

Je l’ai laissé dans son taxi qui la ramenait à l’aéroport de Jacksonville pendant que je prenais le canal en direction Sud dès 7h30 ce matin. Àprès une couple d’heures de moteurs puis de voile puis un long quart au moteur avec le vent devant, je me suis retrouvé à 22h30 à l’ancre entre les deux ponts au Centre-ville de Daytona Beach. Un peu fatigué après ma plus grosse journée 65 miles nautiques. Puisque le vent doit être encore du Sud demain, j’ai préféré poursuivre en soirée puisque le vent faibli légèrement en fin de journée. Quitte à faire une pause au milieu de la journée demain

Ce que je dois avouer, c’est qu’à 130 nautiques de ma destination finale, je commence à avoir plus le goût de retrouver ma blonde que de continuer à faire du bateau; surtout du bateau moteur. La météo prévoit que ça va tourner à l’Ouest lundi. J’espère. Ça me ferait une belle fin de parcours, deux jours au portant.

Je vais continuer jusqu’à Fort Pierce où je pourrai ancrer plus en sécurité qu’à Vero Beach selon les conseils des gens qui connaissent le coin. Puis de Fort Pierce, on sort directement en mer. Ce qui serait plus pratique que de faire deux heures de moteur à partir de Vero Beach. On pourrait même partir avec des amis pour une journée en mer et rentrer en fin d’après-midi. Une perspective intéressante.

 

Ils m’ont volé mon pont

Enfin, il ne me l’ont pas volé mais plutôt remplacé par un nouveau pont de 60 pieds, Ceux-là qu’on a pas besoin de faire lever ou tourner. Puis, le McCormic Bascule Bridge à Jacksonville Beach, c’était pas vraiment « mon pont » même si j’en garde un souvenir particulièrement vivant, même 20 ans+ plus tard. C’est devant ce pont qui ne se pressait pas de lever que mon ami Jacques et moi avions décidé de tourner à gauche dans la super Beach Marine marina juste avant de le traverser, pour une pause douche bien méritée que nous nous offrions quand nous avons descendu Maïté en 1988. Justement là où j’ai convaincu Manon de nous arrêter pour qu’elle soit près de l’aéroport demain matin pour son vol de retour.

Le lendemain matin, bien reposés et prêts pour la prochaine étape, nous sommes sortis de la marina et avons tourné à gauche vers le Sud dans le chenal de l’ICW. À plus ou moins 6 Nds, avec le courant nous étions à effectuer les derniers rangements et je me souviens très bien d’avoir été en train de régler la longueur de la corde du dingy pour une traînée minimum quand soudainement, j’ai senti mon bateau se cabrer vers le haut de l’avant et le tableau arrière couler sous le niveau de l,eau et embarquer une vague incroyable… surtout en eau calme d’un chenal.

Vite la chaudière pour vider le cockpit et une autre pour écoper l’eau qui était entré à l’intérieur par le panneau de descente. Tout ça avant même d’investiguer qu’est ce qui avait pu produire cette embardée qui avait vu Maïté retrousser du nez au point de se remplir par l’arrière. Jusqu’à ce que je me rende compte que ce qui nous tenait en équilibre précaire sous un pont à bascule qui ne s’était pas levé pour nous laisser passer tout simplement parce qu’on avait jamais demandé… parce que nous avions complètement oublié qu’il était là, à gauche, en sortant de la marina.

Le mat tenait toujours grâce au fait que Maïté avait été grée en tige de métal plutôt que le fil habituel pour plus de performance en course et beaucoup plus de rigidité par le fait même. En fait, il tenait le mât du bateau appuyé sous la structure du pont et poussant celui-ci à caler de l’arrière juste assez pour garder le cockpit plein d’eau. C’est à ce moment-là que l’opérateur du pont,penché par dessus la passerelle a posé cette question qui me raisonne encore en tête: « Do you want me to open the bridge? » Littéralement: « Veux-tu que j’ouvre le pont? » Sur le moment, j,ai cru qu’il voulait se moquer de moi. Puis, je me suis rendu compte qu’il était inquiet de savoir si nous étions accrochés dans sa structure au risque qu’il nous sorte de l’eau en levant son pont. Alors, je lui ai répondu avec l’air le plus désinvolte possible: «  Bien sûr, quand vous serez prèt! »

Empathie ou solidarité ???

Ou tout simplement maladresse.

Vous avez été impressionnés de voir le front de Manon avec sa belle balafre en premier croissant de lune. Il n’en restera rien au printemps. Tout de même, j’ai été traumatisé de voir ma partenaire blessée en plein plaisir de voile. Pas ce que je veux qu’elle garde comme souvenir de son aventure à bord. Quoique avec le soin qu’elle a mise à faire les photos, je me demande à quel point elle n ‘y prendra pas une petite touche de fierté.

Ceci étant dit, nous voilà en route ce matin après une dernière conversation avec la dame qui est responsable de la Marina de Bruinswick, une business de presque 400 places à quai de gens qui préfèrent ne pas faire tout ce parcours et prendre leur bateau là où ils peuvent partir directement pour les Bahamas. Plusieurs canadiens dans le groupe et la gérante qui nous avoue candidement qu’elle est une « Goofy Newfee » (née à Terre-Neuve).

Le vent à enfin trourné dans la bonne direction. Il va souffler du Nord-Nord-Est de 15 à 25 Nds pour les prochains jours. Promesse de belle voile au portant. En effet, nous quittons le quai ce matin sous DRS sans même mettre le moteur en marche. On est pas gros mais on est beau à voir aller. En passant sous le pont (voir photos pour le nouveau Pont Champlain) nous nous rendons compte que le vent a trop forci déjà et que nous devons revenir aux voiles conventionnelles, Même que pour le mile à faire au près, je préfère mettre le moteur en soutien de la Grand’voile arrisée jusqu’au tournant sous le vent qui nous permettra de relaxer pour le reste de la journée. Comme je l’ai déjà dit: « Un mauvais moment à passer: rien de plus. »

N’empêche que le moment a dû me paraître trop long parce que j’ai coupé le coin rond pour entrer dans le chenal secondaire et malgré que je voyais 3 mètres de fond, j’ai touché un pic de roche. Je dois avouer que ça cogne plus dur et plus sec que l’enlisement dans la boue. Heureusement, j’étais assis pour barrer. Alors, plutôt que de culbuter tête première dans la descente, j’ai tout simplement glissé sur la banquette de cockpit et suis venu me heurter l’arcade sourcilière contre le cadre de bois de la descente. Le seul embêtement c’est que mon verre de lunette se trouvait entre les deux et que l’arrête même en plastique a un effet plutôt tranchant.

Le résultat net c’est que je fais une compétition de photo avec et sans diachylon avec Manon. Alors on s’est empressés de vous faire des photos pour que vous puissiez voter pour la plus attristante. Maintenant que vous avez vu celle de Manon, allez voir celle que nous avons choisi de vous montrer de ma légère coupure au dessous de l’arcade gauche. Sur invitation, j’enverrai celle qui n’est pas montrable par courriel à qui m’en fera la demande spécifique (13 ans et moins s’abstenir).

À partir de là, tout s’est bien passé en sinuosité à travers des chenaux naturels à travers les marais et finalement le Cumberland Sound et Fernandina Beach. Une journée complète avec les voiles en ciseaux ou au Grand Largue. Les allures portantes qui font que même un vent de 20 à 25 Nds nous parraît tout simplement un souffle doux et portant. Nous sommes à l’ancre dans la Bells River juste devant Fernandina Beach, exactement là où Skipper Bob suggère. Tranquilles pour dormir toute la nuit. J’ai tout de même mis l’alarme d’encrage juste au cas où parce qu’il y a du monde ici, Bob a plusieurs amis. Et effectivement, puisque les bateaux ne fardent pas tous de la même façon ni ne sont affectés pareillement par le courant qui renverse, nous avions dû ré-encrer après dîner quand nous trouvions que nous nous approchions trop d’un cruiser sur notre arrière babord.

Demain grasse marinée et petite journée de moins de 20 Nautiques vers Jacksonville, la destination finale de Manon. Je vais avoir un petit creux de ne plus l’avoir là devant ou derrière la caméra pour les photos de diachylon.

PS Personne sur la route aujourd’hui. Contrairement aux jours précédents où nous pouvions voir une dizaine de cruisers nous dépasser et presque autant de voiliers devant ou derrière nous. Ils sont tous arrètés pour la journée en trains de préparer leur « pot rost » pour le partage au dîner de la Thanksgiving ce soir. À la Marina Bruinswick Landing ou nous étions la nuit passée, la dame nous disait qu’elle avait 3 dindes et 2 jambons en cuisson en prévision D’une soixantaine d’invités ce soir au dîner. Chacun apporte un plat et c’est la fête en famille. Elle était triste de nous voir partir et manquer l’évènement.

Les petits divertissements

À mi-chemin du voyage au Paradis, il n’en demeure pas moins qu’on devient un peu saturés par la beauté qui vous est révélée sur les photos. Alors, les petits divertisements sont binevenus.

Divertissement #1

Dans un des plus petits chenaux que nous traversons parfois, la marée basse nous a attrapés au tournant d’un marqueur vert qu’on laisse à babord mais qui nous dit que le chemin est sûr de son côté sécuritaire. Bien le Vert 123 n’était pas sûr même à 15 mètres. Pas problème si les voiles sont descendues. Moteur à la renverse et un coup sortis, on cherche à taton l’espace légèrement plus creux. Que dieu nous le pardonne, on est quand même des amateurs.

Divertissement #2

Un mile plus loin, c’est la barge sur la photo qui est ensablée au beau milieu du chenal. Lui c’est un pro et il est plutôt fâché de devoir attendre la marée qui remonte. Nous jetons l’ancre plour lui tenir compagnie quand un plus rusé que nous qui arrive en voilier se faufille du côté opposé et réussit à trouver son chemin. Alons-y Manon, on lève l’ancre et on lui emboite le pas… pas trop vite au cas où. Passés la barge nous faisons un au revoir de la main à l’opérateur qui n’a pas le goût de rendre la salutation.

Divertissement # 3

J’ai repéré l’ancrage que notre Guru, Skipper Bob nous suggère dans le petit ruisseau à une heure d’ici. Rendu sur place, je trouve que le ruisseau d’en face est mieux protégé du vent qui souffle du Sud Sud-Est depuis deux jours. On vire à droite plutôt qu’à gauche et nous jetons l’ancre à marée haute dans une deux mètres de fond. Vers la fin du dîner que nous avons partagés en tête à tête aussi bien pour sa préparation que sa dégustation, Manon ma fait remarquer que le bateau est particulièrement stable. Bien oui, le vent à tombé. Mais il commence à pencher légèrement aussi…

Je vous doit bien cette explication, sinon comment expliquer le « truc de la serviette bleue sur la photo qui pend à 45° ???

Divertissement #4 et #5

Branle bas de combat pour réaménager ma couchette puisqu’il penche du côté opposé.

Re-branlebas de combat au beau milieu de la nuit quand enfin à marée haute, je peux me lever et ré-ancrer dans plus profond cette fois, au beau milieu du ruisseau pour finir la nuit.

Heureusement que la pluie n’a commencé à tomber qu’au moment où j’ai réintégré ma couchette. Celle de tribord cette fois.

PS Si Gaétan lit ça, ça va lui rappeler un beau souvenir et pour les autres qui avaient suivi la dernière croisière vers le Golf vont finir par croire que le « Divertissement #3 » fait partie de ma marque de commerce.

PPS Au moment où j’écris ces lignes, c’est Manon qui est à la barre et elle est en train de nous faire entrer dans la port de Bruinswick, GA où nous allons faire un arrêt de ravitaillement et de rafraichissement et continuer ensuite en direction de Jacksonville que nous ne rejoindrons pas ce soir mais on est deux jours en avance de toute façon.

PPPS Ok, ce soir je suis les conseils de Skipper Bob pour l’ancrage. Promis!