Port Kent et les souvenirs

La première fois que j’ai largué les amarres du quai de Port-Kent, ça s’est passé il y a près de 25 ans et ça a marqué un tournant important de ma vie. Ce matin-là, sur le quai c’était Marie-Thérèse qui me faisait au revoir de la main consciente que c’était un au revoir important pour notre relation. Elle avait la sagesse de comprendre que je ne pouvais plus continuer dans le modèle bien standard de la famille de banlieue. Elle avait surtout la grande générosité de prendre le risque de me laisser partir. Ça faisait déjà une douzaine d’années que je sillonnais le Lac Champlain dans tous les sens sans jamais dépasser Tigondéroga que je vois se pointer sur la rive droite et il lui était bien évident qu’avec Maïté, un Pearson 30 bien équipé, j’allais pousser une pointe plus bas un jour ou l’autre.

Nous avions bien essayé de le faire ensemble mais l’idée de ne pas être là pour voir grandir ses petits enfants ne s’intégrait pas dans son espoir de devenir grand-mère bientôt. Comme dans bien des couples je dois admettre que la voile est plutôt la folie du mari. Les voiliers sont des joujoux de petit gars. Combien j’en ai rencontrés sur la route qui ont grossi en vain leurs bateaux pour essayer de rendre leur épouse sécurisée et confortable. Ça n’a rein avoir avec la grosseur du bateau, les gars.

J’avais eu tout de même plusieurs années où je passait l’été au Lac à découvrir et redécouvrir ses moindres petites baies et ports accueillants. Port Henry où je vais m’arrêter ce soir était un des favoris de M-Th. C’est là qu’un jour elle a interpellé un beau vieux monsieur barbu qui pêchait à la ligne sur le bout du quai et essayait de nous parler dans le français minimal qu’il possédait, s’il était un « beau pêcheur » ou un « beau pécheur » ça a fait un bon sujet de conversation dont il est ressorti tout ravi.

Elle en avait fait une belle aussi le jour où au retour de Port-Henry, Ed lui avait demandé comment avait été la randonnée. Nous avions remonté d’une traite sans même prendre le temps de nous arrêter à Westport que j’aime bien ou Essex, ce vieux village coquet qui était aussi un de nos « must » alors, pour lui dire que nous avions eu beaucoup de bon vent, elle lui dit tout de go dans son meilleur anglais de l’école primaire: « We had a lot of whine! » Sa version bien personnelle de « wind ».

Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui, M-Th. Ni wind ni whine, je tappe ces souvenirs en sirotant une Miller High Life, ma boisson légère favorite aux USA. Il ne fait toujours pas très froid et le soleil se pointe à l’occasion derrière la couche de nuages qui tient bon. Heureusement, il n’a pas plu ce qui permet à l’humidité accumulée hier de se disciper. Ce sera confortable pour dormir à l’ancre ce soir pas trop loin de la Marina de Velez où je dois m’arrêter avant pour refaire le plein en vue d’une autre longue journée prévue sans vent portant demain vers Withehall. Je commence à me donner l’impression que je fais du convoyage de yacht. Ce n’est pourtant pas mon projet…

20h30 au quai de la Marina Buoy 39 une bonne quinzaine de miles plus au sud que prévu parce que Velez est en reconstruction et que la marina Champlain près du pont en face ferme à 17h00. Une décision facile à prendre surtout que le pronostique météo pour demain est au vent plus fort venant du sud tandis que ce soir, c’est le calme plat, la mer d’huile. Je laisse le pilote automatique me soulager de la barre pendant que je m’émerveille du plaisir simple de se laisser porter à 5,5 Nœuds et rêver tout autant au passé sur ces mêmes traces qu’à l’avenir qui nous amènera qui sait où, la prochaine fois, vous et moi. Pas si mal le convoyage de yacht après tout.  

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